Depuis ses débuts dans les années 1980, la finance comportementale est parvenue à accumuler des résultats convaincants concernant la rationalité limitée des décisions des investisseurs, individuels ou professionnels. Si les décisions de l’investisseur ne sont pas pleinement rationnelles, qu’en est-il de son objectif final ? Doit-on continuer de considérer que l’objectif de toutes les décisions de l’investisseur reste la maximisation des performances futures ou bien ce présupposé mérite-t-il également d’être revu à la lumière des résultats empiriques ? Plusieurs comportements bien documentés apparaissent comme incohérents avec l’hypothèse d’un investisseur focalisé uniquement sur ses performances futures, suggérant la coexistence d’autres objectifs.
Objectif: Eviter le doute
Le biais de conservatisme
Les travaux des psychologues ont montré que toutes les informations à disposition des décideurs n’étaient pas traitées de la même manière. Certaines sont privilégiées par rapport à d’autres. C’est le cas par exemple des informations facilement disponibles à l’attention (les exemples marquants) et à la mémoire (les évènements passés ayant entraîné des émotions intenses). Le biais de conservatisme rend compte de la tendance à surévaluer les informations qui viennent confirmer son opinion et à minimiser les informations discordantes. Sur les marchés, un investisseur initialement positif sur un titre aura ainsi tendance à minimiser l’importance des informations défavorables au titre (comme un profit-warning, une dégradation de recommandation par un analyste, la révision en baisse des prévisions de bénéfice par action…) afin de ne pas avoir à modifier son jugement et, éventuellement, prendre la décision correspondante (vendre).
Le biais de confirmation
Le biais de confirmation va plus loin en posant que les individus recherchent expressément des informations qui appuient leurs opinions et leurs actions et évitent scrupuleusement d’être confrontés à des informations contraires. Par exemple, après avoir acheté une voiture, il est coutumier de ne pas prêter attention aux publicités concernant les modèles concurrents, afin de ne pas remettre en cause son choix. Le biais de confirmation relève d’une démarche générale de l’être humain: la réduction de dissonance cognitive (Festinger, 1957). Cette théorie postule que l’individu fait en sorte qu’il n’y ait pas d’incohérence entre les informations qui lui arrivent et ses opinions. Quand une information vient en dissonance d’une opinion, d’une croyance, d’un comportement, etc., cela crée un état désagréable pour l’individu qui est mis en demeure de revoir celle-ci. Pour l’éviter, il essaie de réduire la dissonance en modifiant l’une des deux positions contradictoires, ou les deux. La recherche d’informations concordantes est une des multiples stratégies qu’il peut mettre en place. L’évitement des informations discordantes en est une autre.
La théorie de la dissonance cognitive est utile pour expliquer pourquoi les capitaux affluent plus vite vers les OPCVM qui performent très bien qu’ils ne sortent des fonds qui performent très mal. Les investisseurs dans des fonds aux performances décevantes mettent du temps pour accepter l’idée que leur argent n’est pas placé au meilleur endroit. Plus généralement, le biais de confirmation indique que les opinions initiales, positives ou négatives, sont difficiles à changer.