S’il est un résultat important et incontesté de l’économie du bonheur, c’est bien celui touchant à l’impact fort et durable du chômage sur le bonheur des individus. La satisfaction de la vie telle qu’elle est rapportée par les individus dans les enquêtes est significativement plus basse pour les chômeurs que pour les actifs occupés partageant les mêmes caractéristiques socio-économiques. Perdre son emploi réduit la satisfaction de la vie davantage qu’aucun autre évènement de la vie ou presque.
Il n’y a pas d’effet d’adaptation : l’impact négatif ne se réduit pas après un ou deux ans (Clark, Diener, Georgellis et Lucas, 2008) et l’effet sur le bonheur demeure encore perceptible (quoique réduit) une fois le retour à l’emploi. La perte de bien-être ne se réduit pas à une perte de revenu : une étude (Frey et Stutzer, 2002) évalue ainsi que la perte de revenu n’explique qu’un quart de la perte de bien-être consécutive à la perte de son emploi ; le reste étant à rapprocher des autres dimensions du travail (la dimension sociale, la dimension statutaire, la dimension expérientielle…).
La conséquence pour les politiques publiques est immédiate : distribuer des allocations chômage généreuses serait insuffisant pour ramener le bonheur des chômeurs au niveau de celui des personnes en emploi. En revanche, il a été observé que le montant des allocations chômage est positivement corrélé avec le sentiment de sécurité face à l’emploi. La perspective d’allocations de remplacement rassure les salariés mais, si le chômage se matérialise, ne peut être qu’un pis-aller.
Ce qui diminue également le mal-être des chômeurs est que les personnes de leur entourage soient… également au chômage ou que le taux de chômage général soit élevé (Stutzer et Lalive, 2004). Là encore, la dimension sociale et statutaire du travail semble jouer à plein : le mécanisme de comparaison sociale rend le ressenti à la fois dépendant de sa situation absolue et de sa situation relativement à ses comparables (le conjoint, la famille, les amis…).
Enfin, l’existence d’un taux de chômage élevé dans une population diminue aussi le bonheur des individus en emploi (Di Tella et al., 2001), sans doute davantage à cause de la peur d’être touché à son tour qu’en raison d’un mécanisme d’empathie.
Au final, faire de la lutte contre le chômage une cause nationale dans les pays où ce taux est (structurellement ou conjoncturellement) apparait donc pleinement justifié à l’aune de la littérature abondante de l’économie du bonheur sur ce sujet.