De nombreuses études académiques menées dans différents pays développés (par exemple Blanchflower et Oswald, 2008; Stone, Schwartz, Broderick et Deatoin, 2010) ont de manière répétée conclu à une courbe décroissante du bien-être à partir de l’entrée dans la vie active jusqu’à un minimum atteint autour de 45 ans puis de nouveau croissante jusqu’au grand âge, moment où elle se retourne éventuellement à nouveau (vers 70-75 ans). La France n’échappe pas à la règle. A partir des résultats des enquêtes Eurobaromètre réalisées chaque année par la Commission Européenne depuis 1975, Cédric Afsa et Vincent Marcus de l’INSEE [1]ont estimé les effets d’âge sur le sentiment de bien-être. Il en ressort que les jeunes et surtout les séniors sont les tranches d’âge les plus heureuses en France et que c’est entre quarante et cinquante ans que le sentiment de bien-être est le plus bas. Comme ailleurs. L’amélioration du revenu avec l’âge permet de limiter le relatif mal-être des quadragénaires mais de manière insuffisante. De ême, la variation du statut matrimonial avec l’âge n’explique pas tout, au contraire. Entre 20 et 40 ans, le taux de mariage augmente et a plutôt tendance à accroître le bonheur (surtout dans les premières années…).
Lecture : si les individus avaient les mêmes niveaux de revenu tout au long de leur vie (courbe en trait plein), leur bien-être baisserait plus vite entre 20 et 45 ans que ce qui est observé (courbe en pointillés).Source : Afsa et Marcus (2008)
On peut ébaucher une explication à cette courbe particulière du bonheur selon l’âge: elle pourrait provenir d’un cycle de révision des aspirations de vie avec des ambitions déçues pendant la première partie puis un basculement en milieu de vie vers des objectifs plus facilement atteignables (profiter du quotidien, de sa famille, de ses amis: s’adonner à ses hobbies…)… mais ce n’est qu’une conjecture, laquelle reste encore à être validée.
Quoiqu’il en soit, cet éclairage de l’économie du bonheur jette une lumière crue sur le caractère inadapté du système fiscal actuel qui tend à imposer une pression maximale aux quadragénaires et quinquagénaires (via l’imposition des revenus du travail) avant de la relâcher très fortement à la retraite. De cette manière, on leste les classes d’âge déjà fragilisées par des facteurs personnels (la crise de la quarantaine) et on favorise économiquement les classes d’âge dont le temps de loisir permet un niveau de bien-être inaccessible à beaucoup d’actifs.